Esthétique sociale - Socio-esthétique

Socio-esthétique : « Derrière les soins esthétiques, un métier complexe »

La sociologue Gisèle Dambuyant, maître de conférence à l’Université de Paris 13, a suivi pendant dix ans le travail des socio-esthéticiennes. Elle vient de sortir un livre très documenté sur le sujet, le premier du genre consacré à ce métier.

Profession bien-être : Vous venez de publier un livre savant sur la socio-esthétique, un sujet rarement abordé dans les travaux universitaires. Il a été préfacé par l’historien Georges Vigarello, connu pour ses nombreuses contributions sur l’hygiène, le corps et la beauté. Qu’est-ce qui vous a motivé ?

Gisèle Dambuyant : En fait, cela vient de mon parcours universitaire. J’interviens, d’une part, en tant qu’enseignante et je forme essentiellement des animateurs, des assistantes pour les services sociaux et des gestionnaires de l’urbain, et, d’autre part, je travaille, en tant que chercheur, autour de trois axes : la sociologie du corps, la sociologie de la vulnérabilité et la sociologie d’intervention sociale. Il était donc tout naturel que je m’intéresse à la socio-esthétique.

Depuis combien de temps suivez-vous la socio-esthétique ?

Mon premier ouvrage s’appelait : «Quand on n’a plus que son corps». C’était un ouvrage destiné à l’analyse des réalités sociales des sans-abris, et donc le corps comme dernière ressource. J’ai été le présenter au Codes en 2008, et, à cette occasion, j’ai découvert l’existence de cette école et de la socio-esthétique.

Et là, j’ai été complètement convaincue par cette approche. Depuis, je suis régulièrement la socio-esthétique. Ce travail représente donc dix ans de connaissances et trois ans d’écriture pour arriver à cet ouvrage sur la socio-esthétique.

Quelles sont les principales observations que vous avez pu tirer de vos travaux ?

J’ai découvert la complexité de ce métier, derrière l’apparente simplicité des soins esthétiques, et c’est ça qui m’a passionné. Parce qu’il intervient auprès de toutes sortes de public et dans toutes sortes d’institutions. Il est aussi très utile pour les bénéficiaires, pour les équipes et pour l’entourage des bénéficiaires. Finalement, j’ai découvert un métier très complémentaire à l’existant, que ce soit du médical, du psychologique ou du social, avec, toujours, cet aspect esthétique, qui est nécessaire pour une prise en charge globale du soin.

Pour vous, la socio-esthétique va donc bien plus loin que l’embellissement du corps ?

Evidemment, parce que, justement, il joue sur plusieurs registres à la fois, l’apparence, mais aussi l’image du corps et le schéma corporel. C’est un type très complexe, le corps et toute sa représentation, auquel répond la complexité de la socio-esthétique, qui est là pour embellir le corps, bien sûr, mais aussi le soulager et en prendre soin.

D’après vos travaux, en quoi la socio-esthétique se distingue de l’esthétique ?

C’est un métier tout à fait à part, parce que, bien sûr, il faut des connaissances en esthétique, mais, au-delà de cet aspect, il faut aussi une formation universitaire. C’est pour cette raison que je suis le Codes. Parce que, derrière ce métier, il faut de la rigueur pour comprendre ce qu’il en est de la personne en souffrance et qu’il existe toutes sortes de déclinaisons de la souffrance pour approcher ces corps, justement par le soin et la beauté.

J’insiste beaucoup sur la notion de santé à partir du bien-être. Dans la socio-esthétique, il y a vraiment cette notion de soins de support, mais à partir d’une réflexion sur le bien-être, qui doit être accessible à tous, quel que soient les réalités d’existence.

Cette notion de bien-être qui rejoint la santé, c’est une approche qui est aussi défendue par des médecins oncologues. Est-ce que vous observez des points de convergence avec eux ?

Oui. Parmi les points de convergence, il y a ce rapport au corps, à la prise en charge et au soutien de la personne, une gestion de la souffrance qui vise à l’amoindrir, mais ce qui est spécifique à la socio-esthétique, c’est l’aspect beauté. Et cette beauté, comme ressource centrale – je parle d’ailleurs de «beauté vitale» -, c’est vraiment propre à la socio-esthétique et elle vient en complémentarité des autres disciplines.

Ce livre s’adresse aussi aux socio-esthéticien(nes) : quel message souhaitez-vous faire passer auprès de ces professionnels ?

D’abord, j’ai envie de leur adresser un message de félicitations, parce que ça fait 40 ans que le Codes est institué. Maintenant, il est temps de valoriser ce métier et ce livre contribuera, je l’espère, à une reconnaissance accrue dans tous les milieux et dans tous les contextes. Je crois que, dans la société contemporaine, ces moments de pose, de soin de soi, pour s’ouvrir à l’autre, sont aujourd’hui essentiels pour chacun d’entre nous.

Propos recueillis par Georges Margossian.

Source: professionbienetre.fr